Quel est l’enseignement donné aux citoyens par la Cour suprême du Canada avec l’arrêt Jordan ?

L’arrêt Jordan[1] est un jugement de la Cour suprême du Canada visant à limiter la durée totale des procès dans les 10 provinces canadiennes.

Il établit que la durée des procès devrait être de 18 mois pour les causes étudiées par les cours provinciales et de 30 mois pour les affaires examinées par les cours supérieures.

Cet arrêt se base sur les opinions intimes des juges nommés à la plus haute cour de justice par les partis politiques profédéralistes et promonarchistes qui ont dirigé le gouvernement confédéral/fédéral canadien depuis 1999,[2] ainsi que sur le principe de protection des droits des inculpés que confère l’article 11 b) de la Loi constitutionnelle de 1982 :

11. Tout inculpé a le droit … b) d’être jugé dans un délai raisonnable…

S’il aspire ostentatoirement à faciliter l’administration du système judiciaire sur le territoire canadien et à donner une apparence de justice, cet arrêt de la Cour suprême est néanmoins d’une importance capitale sous un autre aspect…

Il expose aux citoyens qui y sont attentifs l’incapacité de la Cour suprême du Canada de les protéger effectivement et d’honorer sans perversion les droits fondamentaux promus dans les règles impératives de droit universel !

L’arrêt Jordan donne préséance aux droits des inculpés qui sont expressément édictés à l’article 11 b) du Décret constitutionnel canadien de 1982.

Mais il renonce de facto à protéger les victimes plus directement ciblées par les crimes et l’ensemble des citoyens du fait que leurs droits fondamentaux ne sont pas aussi explicitement exprimés dans le décret constitutionnel de l’État caméléon.

Ces droits des honnêtes citoyens et des victimes de crimes découlent pour leur part de l’ensemble des règles impératives de droit universel qui sont notamment édictées dans :

  • la Déclaration universelle des droits de l’homme;
  • le Pacte international relatif aux droits civils et politiques;
  • le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;
  • la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir;
  • les Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et de violations graves du droit international humanitaire;
  • et la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus.

Mais il est actuellement impossible pour les juges de la Cour suprême canadienne de faire respecter les droits des victimes et des honnêtes citoyens dans le contexte où l’irréformable décret constitutionnel canadien de 1982 ne les prévoit nulle part alors que l’article 52 (1) établit explicitement que :

La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit…

Nous avons assisté ces derniers mois à de multiples demandes d’arrêts de procédures sur la base de l’arrêt Jordan par des personnes inculpées de crimes de toutes sortes qui revendiquent leur remise en liberté :

Un autre meurtrier allégué obtient un arrêt des procédures en invoquant l’arrêt Jordan…

L’arrêt Jordan est invoqué dans la quasi-totalité des dossiers fixés à procès à la Cour supérieure pour le district de Montréal.[3]

Nous constatons donc que la sécurité publique n’est plus assurée à la suite de l’arrêt Jordan rendu par la Cour suprême…

Il y a urgence de régler les problèmes constitutionnels de l’État national québécois et de l’État confédéral/fédéral canadien !

Par l’arrêt Jordan, la Cour suprême du Canada nous amène aussi à constater que la justice québécoise est une matière très dépendante des humeurs des partis politiques au pouvoir et du Directeur des poursuites criminelles et pénales dont ils décident de la nomination :

Pas moins de 134 accusés dont les causes traînaient devant la justice québécoise ont été libérés avant d’être jugés, depuis neuf mois, non pas à leur demande, mais plutôt à celle de la Couronne.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), bien qu’il soit chargé de porter les accusations et d’obtenir des condamnations, a fait libérer deux fois plus d’accusés que les avocats de la défense depuis­­ l’arrêt Jordan…

Près d’une vingtaine de personnes inculpées de fraude ont pu s’en tirer… dont des coaccusés de l’ex-maire de Laval, Gilles Vaillancourt, inculpés en 2013 à la suite d’une vaste enquête de l’UPAC…[4]

Même si nous sommes supposés respecter les règles impératives de droit universel, il est clair que l’indépendance judiciaire subit ici toutes sortes de perversions…

Le parti libertin a donc beau jeu, à la suite de l’arrêt Jordan et de l’arrêt Cody,[5] pour faire tomber toutes les causes susceptibles de mettre ses associés dans l’embarras…

[1] Reine c. Jordan, [2016] 1 RCS 631.

[2] Le jugement de l’arrêt Jordan est signé par les neuf juges de la Cour suprême qui étaient en poste en 2016, soient : Beverley Mc Laughlin, (nommée en 1999 et actuelle juge-en-chef),  Rosalie Silberman Abella (2004-), Michael J. Moldaver (2011-), Andromache Karakatsanis (2011-), Richard Wagner (2012-), Clément Gascon (2014-), Suzanne Côté (2015-), Russell Brown (2015-) et Thomas Albert Cromwell (2008-2016).

[3] Voir : Le Devoir, 20 mai 2017, Un autre accusé libéré en vertu de l’arrêt Jordan, article de Sarah R. Champagne.

[4]  Voir : Journal de Montréal, 10 mai 2017, La Couronne a fait libérer 134 accusés en neuf mois, article d’Éric Thibault.

[5]  Reine c. Cody, [2017] CSC 31. Cet arrêt confirme l’orientation actuelle de la Cour suprême du Canada